Pour les articles homonymes, voir Laplace.
En mathématiques, la transformation de Laplace est une transformation intégrale,
c'est-à-dire une opération associant à une fonction (à valeur dans ou
dans
)
une nouvelle fonction dite transformée de
, notée traditionnellement
, via une intégrale. La
transformation de Laplace est bijective et par usage de tables il est possible
d'inverser la transformation. Le grand avantage de la transformation de Laplace
est que la plupart des opérations courantes sur la fonction originale
, telle que la dérivation, ou un
décalage sur la variable t,
ont une traduction (plus) simple sur la transformée
. Ainsi la transformée de Laplace
de la dérivée
est
simplement
,
et la transformée de la fonction « décalée »
est
simplement
.
Cette transformation fut introduite pour la première fois sur une forme proche
de celle utilisée par Laplace en
1774, dans le cadre de la théorie des probabilités
La transformée de Laplace est proche de la transformée de Fourier qui est également utilisée pour
résoudre les équations différentielles, mais
contrairement à cette dernière elle tient compte des conditions initiales et
peut ainsi être utilisée en théorie des vibrations
mécaniques ou en électricité dans l'étude des régimes forcés sans
négliger le régime transitoire. Dans ce type d'analyse, la transformée de
Laplace est souvent interprétée comme un passage du domaine temps, dans lequel les
entrées et sorties sont des fonctions du temps, dans le domaine des fréquences, dans
lequel les mêmes entrées et sorties sont des fonctions de la
« fréquence » (complexe) p.
Ainsi il est possible d'analyser simplement l'effet du système sur l'entrée
pour donner la sortie en terme d'opérations algébriques simples (cf. théorie des fonctions de transfert en électronique ou en mécanique).
En mathématiques et en particulier en analyse fonctionnelle, la transformée de Laplace monolatérale d'une fonction (éventuellement généralisée, telle que
la « fonction de Dirac ») d'une variable réelle t, à support positif, est la fonction
de la variable
complexe p,
définie par:
Plus précisément, cette formule est valide lorsque (1) où
est l'abscisse de convergence (définie
plus bas), et (2)
est un « germe (en) »
de distributions définies dans un voisinage ouvert (et
borné inférieurement) de l'intervalle
dont la restriction au complémentaire
de
dans ce voisinage est une fonction
indéfiniment dérivable (voir l'article Transformée bilatérale de Laplace)1. C'est un tel germe que nous appelons ici, par abus de langage, une
fonction généralisée à support positif, et la transformation de Laplace est
injective appliquée à ces fonctions généralisées. L'abscisse de convergence
se
définit comme suit: soit, pour un réel
,
.
Alors
est
la borne inférieure de l'ensemble
des
pour
lesquels
est
une distribution tempérée si
est non vide, et
sinon.
La « fonction de
Dirac » est de cette nature. Sa transformée de Laplace vaut 1
avec une abscisse de convergence de .
Les propriétés de cette transformation lui
confèrent une grande utilité dans l'analyse des systèmes dynamiques linéaires. La plus intéressante de ces
propriétés est que l'intégration et la dérivation sont transformées en division et
multiplication par p, de
la même manière que le logarithme transforme la multiplication en
addition. Elle permet ainsi de ramener la résolution des équations différentielles linéaires à coefficients constants à
la résolution d'équations affines (dont les solutions sont des fonctions
rationnelles de p) (voir Application de
la transformation de Laplace aux équations différentielles).
La transformation de Laplace est très
utilisée par les ingénieurs pour résoudre des équations différentielles et
déterminer la fonction de transfert d'un système linéaire. Par exemple, en électronique,
contrairement à la décomposition de Fourier qui est utilisée pour la détermination
du spectre d'un signal périodique ou même quelconque, elle tient compte de
l'existence d'un régime transitoire précédant le régime permanent
(exemple : la prise en compte de l'allure du signal avant et après la mise
en marche d'un générateur de fréquence).
Il suffit en effet de transposer l'équation
différentielle dans le domaine de Laplace pour obtenir une équation beaucoup
plus simple à manipuler.
Par exemple, lors de l'étude d'une machine à
courant continu : dans le domaine temporel devient
dans
le domaine de Laplace. Ceci n'est valable qu'à conditions initiales nulles (
.
On a utilisé ici des propriétés de la transformation de Laplace, explicitées
ci-dessous.
Remarque : la notation « s »
(variable de Laplace) est souvent utilisée dans les pays anglo-saxons alors que
la notation « p » est utilisée notamment en France et en
Allemagne.
On définit aussi, dans les mêmes conditions
que ci-dessus, la transformation de Laplace-Carson par2:
qui permet d'associer à toute fonction
d'une variable
une
fonction image
Cette transformée est utilisée par
certains ingénieurs car :
§
une constante sur a pour image la même constante ;
§
elle offre dans certains cas une plus
grande facilité d'emploi en calcul matriciel et tensoriel.
Article détaillé : Transformée inverse de Laplace.
L'inversion de la transformation de
Laplace s'effectue par le biais d'une intégrale dans le plan complexe. À l'aide
du théorème des résidus, on démontre la
formule deBromwich (en)-Mellin:
où est
choisi de sorte que l'intégrale soit convergente, ce qui implique que
soit
supérieur à la partie réelle de toute singularité de
et qu'à l'infini,
tende vers
au
moins aussi rapidement que
.
Lorsque cette dernière condition n'est pas satisfaite, la formule ci-dessus est
encore utilisable s'il existe un entier
tel que
tende
vers
aussi rapidement que
,
c'est-à-dire lorsque, pour
tendant vers l'infini,
est majorée par un polynôme en
.
En remplaçant
par
dans l'intégrale ci-dessus, on
trouve dans le membre de gauche de l'égalité une fonction généralisée à support
positif dont la dérivée d'ordre
(au sens des distributions) est la
fonction généralisée (elle aussi à support positif) cherchée.
En pratique néanmoins, la formule de
Bromwich-Mellin est peu utilisée, et on calcule les inverses des transformées
de Laplace à partir des tables de transformées de Laplace.
Article détaillé : Dérivée.
Soit à calculer :
En intégrant par parties, on obtient :
soit finalement (et de proche en proche
ou par récurrence pour les dérivations successives) :
Cette dernière expression peut
s'écrire, en désignant l'opérateur par
pour
tout entier
,
Notons que, vu la définition donnée
plus haut d'une fonction généralisée à support positif (en utilisant la notion
de germe), les quantités ne sont pas nulles en général.
Article détaillé : fonction de Heaviside.
La fonction de Heaviside vaut
0 pour t < 0, 1 pour t > 0 (sa valeur en 0 n'a aucune importance). Cette
fonction étant discontinue, elle n'est pas dérivable au sens habituel. En
revanche, sa dérivée au sens des distributions est la « fonction » de
Dirac
. Il vient
,
puisque, comme le lecteur le vérifiera
aisément,
.
On notera que si l'on remplaçait, dans
la formule de la règle de dérivation, par
, on trouverait
,
ce qui est faux. Ce point est pourtant encore discuté par certains auteurs,
bien à tort comme on le voit ici.
La formule inverse (pour ) est
et elle est valide à condition que soit de la forme
où
est une fonction généralisée à support
positif. Une manière de démontrer ce résultat est indiquée ci-dessous.
démonstration détaillée
Article détaillé : Intégrale (mathématiques).
et si est une fonction à support positif,
continue sur
, on
a pour tout
Si la limite dans le domaine temporel
existe, alors :
Si la limite dans le domaine temporel
existe, alors :
Article détaillé : Produit de convolution.
Si est une fonction nulle pour
et,
pour
, périodique de période
,
§
On peut montrer la formule de la
manière suivante :
démonstration détaillée
La transformée de Laplace monolatérale
n'est valide que pour des fonctions (éventuellement généralisées) à support
positif. C'est pour cette raison que les fonctions temporelles de cette table
sont multiples de (ou composées avec) , fonction échelon unité (Heaviside).
table des transformées de
Laplace usuelles
On considère un circuit dit
« R,C », constituée d'une résistance électrique de valeur R et d'un condensateur de capacité électrique C, placés en série. Dans tout
les cas on considère que le circuit n'est placé aux bornes d'un générateur
idéal de tension délivrant une tension (en général) variable qu'à
un instant choisi pour origine des dates, et que le condensateur est
initialement déchargé. On a ainsi respectivement pour la charge
du
condensateur et l'intensité dans le circuit
les conditions initiales suivantes:
.
On applique la tension suivante:
et l'équation différentielle reliant la réponse à l'entrée
est
en appliquant les lois usuelles de l'électricité :
soit encore en posant (cette
quantité à la dimension d'une durée) :
On prend la transformée de Laplace
membre à membre de cette dernière équation, en notant la
transformée de
, il vient (en prenant en compte le
fait que
) :
ce qui peut aussi s'écrire sous la
forme :
fonction de transfert du système R,C, et
transformée de Laplace de l'entrée4,
que l'on peut aussitôt inverser en (on
utilise l'entrée numéro 3 de la table ci-dessus avec ) :
5, 6
On voit la facilité d'usage de la
transformation de Laplace, qui permet de s'abstraire complétement de la
résolution de l'équation différentielle dans l'espace des temps par un passage
dans « l'espace p ».
Par ailleurs, la prise en compte des conditions initiales est effectuée lors de
la transformation.
1.
Bourlès 2010 (§13.3.4), Bourlès et
Marinescu 2011(§7.3.4.1)
2.
Denis-Papin et
Kaufmann 1967
3.
Bracewell 2000,
Table 14.1, p. 385
4.
en unité de charge de par la multiplication
par C
5.
L'interprétation physique de cette solution
est très simple : il y a superposition d'un régime transitoire , qui décrit la
charge progressive du condensateur, la quantité
donnant l'échelle de temps (c'est un exemple de temps de relaxation d'un
système), à un régime permament
qui
correspond à l'état du condensateur complètement chargé sous la tension
continue
. On montre
aisément que le condensateur est à 90 % chargé (
) au bout de la durée
.
6.
Le terme est la
fonction de transfert du système dans le domaine temporel.
§
Henri Bourlès, Linear Systems,
John Wiley & Sons, 2010, 544 p. (ISBN 1848211627)
§
Henri Bourlès et Bogdan Marinescu, Linear Time-Varying Systems: Algebraic-Analytic Approach, Springer, 2011, 638 p. (ISBN 3642197264)
§
(en) Ronald N. Bracewell, The Fourier Transform and Its Applications,
§
M. Denis-Papin et A. Kaufmann, Cours de calcul opérationnel appliqué, Albin Michel, 1967
§ Laurent Schwartz, Méthodes mathématiques pour les sciences physiques, Hermann, 1965 (ISBN 2705652132)
§ (en) D.V. Widder, The Laplace Transform, Dover Publications, 2011 (ISBN 048647755X)